Dans cette rubrique, je vais partager avec mes autres récits et écrits afin de poursuivre la magie.
Caroline COURTOIS
Rouge Camus avait les yeux verts et de longs cheveux bruns qui s’enroulaient comme des lianes sur ses épaules. Rouge, du haut de ses huit ans, aimait passionnément les livres (surtout les romans) et les plantes.
Car Rouge, depuis son plus jeune âge, cachait à tous un don précieux… Rouge avait la main verte. Et cela lui posait d’épineux problèmes.
Déjà, cela ne cadrait pas du tout avec son prénom. Le jour où, à l’âge de 6 ans, elle avait enfin osé demander à ses parents pourquoi ils l’avaient appelée Rouge, ceux-ci avaient d’abord pris un air sidéré, puis catastrophé, avant de se reprendre et de lui énoncer patiemment :
— Mais voyons mon coquelicot, pour Monet, pour Mondrian, pour Matisse, pour Gauguin…
Ils étaient effarés… Comment leur propre fille pouvait-elle leur poser une telle question ? Et que pouvait répondre notre pauvre petite Rouge face à cet écrasant déballage de si grands artistes. Non qu’elle soit insensible au charme des couleurs… loin de là. Elle adorait le jaune pimpant des jonquilles, le bleu puissant des iris, le rose poudré des hortensias… mais ce qu’elle préférait par-dessus tout, c’était le vert ! Le vert tendre du gazon juste semé, le vert profond des cyprès, le vert grisé de l’eucalyptus… Pourquoi ne l’avaient-ils pas appelée Verte, comme cette petite sorcière que Rouge avait croisée au détour d’un roman.
Comme elle, elle avait développé depuis quelques temps un sentiment de révolte à l’égard de la culture familiale.
Extrait Dame Garonne
Depuis des siècles, que dis-je, des millénaires, je m’écoule dans ma vallée. Tantôt douce et lascive, tantôt féroce et déchainée. Ma nature est sauvage. Je nais et renais à chaque seconde, de chaque minute, de chaque heure, dans les pans glacés des monts Pyrénéens, me renouvelant sans cesse de la pure et simple fonte des neiges intemporelles. Je peux ressentir dans chacune de mes gouttes toute l’histoire du monde et même de l’Univers tout entier. J’habite moi-même chacune de mes vagues de tout mon esprit, de toute ma légende, de toute ma force, de toute ma magie. La magie de la vie.
Depuis le premier jour, j’ai accepté mon destin, ma mission de veiller sur cette merveilleuse vallée ensoleillée que j’aime tant. Je parcours inlassablement cette terre fertile et accueillante, MA terre. C’est moi qui la nourris de mes alluvions et de mes ruissellements, de mes crues puissantes qui parfois me débordent. Je les redoute autant que je les attends avec impatience et fébrilité. Lorsque les neiges se font plus généreuses, ou lorsque de puissantes pluies lessivent ma vallée, au détour d’une tempête ou d’un orage particulièrement orgueilleux, je me sens monter, grandir, gonfler, m’étaler, prendre toute ma place. Sans aucune volonté de nuire, au contraire, je me laisse aller sans complexe car je sais qu’en me retirant, ma terre sera plus riche de tous les bienfaits que je porte en mon sein : mon sable, mes galets que j’ai façonnés avec tant de siècles et tant de soin, mon argile douce et chaude et surtout mon limon riche et nourrissant…
Enseignante et grande amoureuse des mots, Caroline Courtois a d’abord passé de nombreuses années à lire et à nourrir son imaginaire de mille et une histoires.
Elle a adoré partager sa passion pour la lecture avec ses jeunes élèves.
Ce n’est qu’à quarante ans qu’elle a découvert l’intense plaisir d’écrire, de regarder les mots noircir le papier, de se laisser surprendre par un personnage ou une intrigue…
Son imaginaire est comme elle, plein de douceur, de magie et de mystère.
Caroline COURTOIS